سبتمبر 20, 2024

Répondre des crimes de Guantanamo ?

Guantanamo crimeL’administration actuelle des Etats-Unis d’Amérique était sans conteste au faîte de sa puissance et de son déchaînement, avant de se voir couper les ailes de son ministère de la Défense, avec la chute de Donald Rumsfeld et de Paul Wolfowitz, d’un certain nombre de conseillers de son président et de son vice-président, ainsi que des équipes des ministres successifs de la Justice, John Ashcroft et Alberto Gonzales. Elle disposait auparavant d’un important groupe de juristes, d’idéologues et d’experts en communication, ainsi que de l’appui des trois plus puissants groupes de pression de ce pays : les industries de l’armement, du pétrole, et l’IPAC. Elle pouvait grâce à cet arsenal agir sur plusieurs plans, juridique, administratif et diplomatique pour contourner, en regard des coutumes et du droit international, des violations graves en matière des droits de l’Homme et de la perpétration de crimes contre l’humanité. Aussi, avant qu’aucun de ses soldats ne se déplace en dehors de leur pays, les USA ont promulgué Patriot Act, afin de  placer l’Etat de droit, sous la coupe de l’état d’exception et du pouvoir d’exception ; ceci  permettra alors les emprisonnements arbitraires, le fichage des individus et des groupes, l’expulsion et des poursuites judiciaires à l’intérieur et à l’extérieur de leur territoire, à partir de preuves tenues secrètes ou de données sécuritaires. Pour ce qui est du droit humanitaire international, leur ministère de la Défense a émis des « instructions », qu’il considère comme la première référence pour la justice militaire de son pays, et non pas les conventions de Genève et leurs protocoles additionnels. Fait sans précédent, la délégation des Etats Unis a contraint le Conseil de sécurité à adopter une résolution qui exceptent les soldats d’un seul Etat au monde, en l’occurrence ceux de son pays, de comparaître devant un tribunal international. Le président de ce pays a, pour sa part, estimé dans son allocution sur la « Stratégie de sécurité nationale », qu’aucune de ses forces armées ne peut se soumettre aux mesures, règles ou poursuites du Tribunal Pénal International. Pour ce faire, Washington a signé avec plus de soixante-dix Etats, placés dans l’orbite de cette grande puisance, des accords bilatéraux, obligent ces derniers, sous peine de suppression des aides économiques, à placer ses propres citoyens, hors de portée des attributions du Tribunal Pénal International et du droit pénal international pour les affaires ayant trait aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité.

Depuis le 11 septembre 2001, Washington déclare publiquement, que les prérogatives de son président, en sa qualité de chef suprême des forces armées en temps de guerre, lui confèrent le droit d’arrêter, pour une durée indéterminée et sans lui notifier d’inculpation, tout individu fiché, comme « combattant ennemi », dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme ». C’est d’ailleurs à partir de cette idée que son ministère de la Défense a construit une prison dans la base militaire de Guantanamo, prison par laquelle sont passés plus de 880 prisonniers, selon les chiffres qu’elle a communiqués au Comité international de la Croix-Rouge. Elle a même déclaré que l’étude de la possibilité de remettre en cause la détention de ces éléments n’est pas du ressort des cours de justice ordinaires états-uniennes. C’est pour cette raison, qu’elle aurait mis sur pied des tribunaux militaires pour juger les auteurs présumés non états-uniens d’actes terroristes. Conformément à la demande du pouvoir exécutif et à la complaisance du ministre de la Justice, ces tribunaux ne réunissent les conditions de procès équitables,. Comme l’a dit Alison Barker et Jimmy Fellner : Guantanamo est une : « zone que l’administration de Bush veut transformer en une terre propriété commune, n’appartenant à personne sur le plan juridique ». En d’autres termes, nous sommes devant une politique de « zone franche » pour des détentions arbitraires, car elle n’est soumise à aucune contrainte juridique ou morale, dans la mesure où le crime est commis en dehors des Etats-Unis d’Amérique et est au-dessus des lois de ce pays. Ce dernières sont les seules valables sur le territoire de cet Etat en vue d’éventuelles poursuites judiciaires.

A Guantanamo, les prisonniers avaient été enfermés provisoirement dans des cages, puis ont été transférés dans des cellules en préfabriqué. En cette sixième année d’existence de ce centre de détention, 280 prisonniers y sont encore à moitié isolés du monde extérieur. Ils n’ont le droit de voir personne, hormis les représentants du gouvernement états-uniens, des ambassades et des services de sécurité de leurs pays respectifs, ainsi que des avocats de nationalité états-uniennes, uniquement. Quant aux organisations humanitaires, seule le Comité international de la Croix-Rouge est autorisé à leur rendre visite. Cependant, en dépit de la démarche confidentielle de ce dernier, qui lui défend de rendre public ses rapports sur les conditions de détention, il n’a pas moins fait état de la « détérioration inquiétante de la santé mentale d’un grand nombre » de détenus ; ceci renforce l’inquiétude pour l’avenir de ces derniers.

Si des journalistes ont pu visiter cette base et discuter avec ses responsables, ils n’ont toutefois pas pu parler aux prisonniers. Ils ne pouvaient apercevoir de loin que des silhouettes, reflétées sur les murs des cellules par les rayons de soleil. Les détenus ne peuvent de leur côté entrer qu’en contacts sporadiques avec leurs familles par le biais de la correspondance, soumise à la censure. L’administration états-uniennes a également posé, comme condition au Haut-Commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme, de ne pas rencontrer les prisonniers, lors de sa visite à Guantanamo. Ce qui explique que cette instance n’a pu s’y rendre jusqu’à aujourd’hui, car cette condition vide sa visite de sa signification.

Selon les données officielles, 28 000 interrogatoires des prisonniers ont eu lieu en quatre ans dans cette prison. Tandis que les organisations des droits de l’Homme y ont recensé 16 méthodes de torture, subies par les détenus. Il s’agit entre autres de la privation de sommeil, de sons puissants et insupportables, de l’éclairage fort et permanent dans les cellules, de gaz piquant, de morsures de chiens, de harcèlements et d’atteintes sexuelles. Les intéressés souffrent également de maladies intestinales, respiratoires, nerveuses, osseuses et psychologiques. En réaction à leurs conditions de détentions inhumaines, ils ont entrepris plus de soixante-dix grèves de la faim, et ont par conséquent été nourris de force, par perfusion, comme ce fut le cas de Sami al Haj. Ce qui constitue un nouveau moyen de torture.

D’après le gouvernement Bush, ces prisonniers n’ont pas le droit à l’examen par la justice, même militaire, de la légalité de leur détention. Il persiste aussi à affirmer que les lois de la guerre lui accordent le pouvoir absolu de maintenir en détention les combattants ennemis, tant que la guerre se poursuit. Elle ajoute que la « guerre » en question, c’est la guerre contre le terrorisme, et non pas un conflit international armé en Afghanistan, où ces prisonniers ont pour la plupart été capturés.

Pourtant, ce droit constitue l’une des prémisses en la matière, apparues, en 1215, en Angleterre, dans la Grande Charte ou « Magna Carta ». Ce droit, en vigueur dans ce royaume pendant plusieurs siècles, et introduit ensuite dans la Constitution des Etas-Unis d’Amérique, garantit à chaque personne l’inviolabilité de sa liberté, et le recours rapide et effectif aux juges, afin d’empêcher « toute forme de détention illégale ». Cette administration bafoue également la Convention internationale contre la torture, adopté en 1992, qui exige l’indemnisation des victimes, et qui ne se suffit donc plus de l’expression consacrée pour saluer le départ d’un prisonnier libéré : « Je regrette ce qui t’es arrivé ». Malgré les critiques acerbes adressée par le Haut-Commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme, au traitement des prisonniers de Guantanamo par le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique, le ministère de la Justice de ce dernier n’a remis en cause aucun de ces emprisonnements,  effectués sur leur territoire, sous prétexte de guerre contre le terrorisme. Il a même rendu publique une déclaration, qui indique qu’ « il ne présentera aucune excuse pour tout ce qui concerne la protection du peuple américains d’un surcroît d’attaques terroristes… C’est une question de vie ou de mort ». Depuis octobre 2003, ce gouvernement n’a tenu compte que de 2 des 21 recommandations de ce Haut-Commissaire, visant à empêcher la répétition  de tels actes sur le territoire de cet Etat, où le conflit est toujours aussi âpres, entre les cours de justice ordinaires et les tribunaux militaires, à propos de ces prisonniers. Ceux-ci ont entrepris plus de quarante tentatives de suicides et vu la mort de quatre d’entre eux dans des conditions, que le Pentagone refuse qu’elles soient élucidées par une enquête indépendante. L’un de plus importants points faibles des tribunaux de ce pays, c’est leur échec, lors des crises nationales, à protéger les droits fondamentaux inaliénables de la personne humaine ; l’exemple le plus tristement célèbre étant leur impuissance honteuse, durant la Seconde Guerre mondiale, à n’avoir pas empêché la décision de leur Cour suprême d’interner dans des camps, leurs concitoyens d’origine japonaise.

Le même fait n’est-il pas en train de se reproduire un demi-siècle plus tard, comme si l’Histoire est un marécage fétide ? Aussi, un choc serait salutaire pour la justice de cet Etat. Il doit consister en des poursuites judiciaires contre certains responsables de ce pays, devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Le procès intenter à Rumsfeld, , à Berlin, et la préparation d’un dossier judiciaire contre Geoffrey Miller, le précédent directeur de la prison de Guantanamo, constituent un pas vers la fin de l’impunité des responsables états-uniens. Il est également nécessaire d’instituer des tribunaux de conscience de la société civile pour qu’ils estent en justice des responsables de ce pays, en particulier le président et le vice-président actuels de ce dernier, à cause des crimes graves qu’ils ont commis en Afghanistan, en Irak et à Guantanamo, du moment que les lois de cet Etat et les coutumes internationales n’ont pas pu empêcher les crimes contre l’humanité.

Un procès réussi contre un seul gros poisson suffit pour que tous les bourreaux des appareils de sécurité des petites dictatures décident par eux-mêmes des mesures leur interdidant de quitter leurs pays, de crainte de rendre des comptes.

30-10-2007

Traduit de l’arabe par Hakim Arabdiou