أبريل 20, 2024

NATIONALISME

NationalismDe l’ensemble des dérivés du mot “nation” , la nationalité est de loin, le concept le plus concret et le mieux défini dans le cadre d’une unité politiquement centralisée . Il désigne, en principe, un statut juridique qui permet de distinguer le ” national” de l’étranger.

La nationalité est, quelques soient les valeurs idéologiques et polémiques du terme, un concept de ” clôture” déterminant les limites à ( ou l’exclusion de) la participation à certaines interactions sociétales . L’ambiguïté de ce mot réside dans le fait qu’il est, dans le vécu, l’expression à la fois, du germe du nationalisme constitutionnalisé et de la capacité d’un système politique à faire avancer les valeurs démocratiques d’intégration au détriment d’une entité fermée et homogène; car la naturalisation est en soi une agression à l’égard des sentiments nationalistes basés sur une logique de différence ( linguistique, religieuse, sexiste ou dépendant de la couleur de peau …), voire “un mariage mixte” dans un tribu endogamique .

Dans la littérature américaine le mot citizenship est employé à la place de nationalité dans les écrits francophones qui établissent en générale une distinction entre citoyenneté et nationalité même si on peut dire avec Oppenheim et Lauterpacht ,” Nationality of an individual is his quality of being subject of a certain state, and therefore its citizen ” .

Quelle soit inspirée de Jus sanguinis ou de Jus soli, la nationalité est une affaire purement nationale. Elle est dépendante du concept vague de la souveraineté de l’État . Le seul texte non-national sur la nationalité (la convention de La Haye du 12 avril 1930) ne fait que confirmer cela :

” – Qu’il appartient à chaque État de déterminer par sa législation quels sont ses nationaux .

– que seule cette législation permet d’établir si un individu est ou non ressortissant de cet Etat “.

La variabilité interétatique nous frappe avec la lecture des codes de nationalité à travers le monde : la nationalité obtenue de fait (narodowski dans la terminologie polonaise) ou de droit (obywatelstwo) , attribuée ou acquise , réglée par le mariage, la filiation, la légitimation, l’adoption, l’établissement de la parenté, la loi de retour, l’unité de la famille ( juris communicatio) , pour cause honorifique (honoris causa)ou une représentation légale …

Il va sans dire que le code de nationalité est presque toujours influencé par les particularités socioculturelles, mais il est conditionné par une dynamique d’intérêt , pour emprunter l’expression de Max Weber . Le Royaume Saoudite d’AbdelAziz nommait des ministres de l’extérieur de l’Arabie. Celui de ses enfants, enrichis par le pétrole, est un exemple typique d’enfermement et d’exclusion !

Nationality still a central subject in the debate about exclusiviste nationalism , it’s a real cultural and legal expression of daily nationalism and the cristallisation orgainic relationchip between identity , self-understanding and “l’intérêt nationale”. As Rogers Brubaker says : ” This is not the exacerbated, aggressive,passionate nationalism that the ” Starkest political shame of the twentieth century”, but the routine, ordinary, taken-for-granted nationalism that the ” common idiom of contemporary political feeling”, the ” natural political sentiment for modern states”. The closure of suffrage ( and other institutions) to nocitizens, based on the axiom that the nation-state may, in fact must, discriminate between members and non members, in one expression of this “normal”, “legitimate”,”rational” nationalism . ” .

Si la convention de La Haye admet le principe de la nécessité d’une nationalité, les règles archaïques, anti-humaines et parfois racistes qui caractérisent le code de nationalité dans plusieurs pays du monde doivent disparaître pour un véritable rapprochement entre ” droits de l’Homme” et ” droits de citoyen(ne)e”. Mais est-ce possible tant que nationalité et souveraineté nationale sont aussi étroitement liées?

L’ETAT-NATION

” L’Etat-Nation, écrit Edgar Morin, est à la fois création et créateur de l’Europe moderne(…) L’insularité favorise le développement de l’État-Nation britannique. La “reconquista” catholique contre l’Islam favorise le développement de l’Etat-Nation hispanique. La persévérance monarchique et la chance historique favorisent le développement d l’État -Nation français. Puis la formule de l’Etat-Nation émerge de façon évidente dans et par la Révolution française” . Selon lui : “ l’Etat-Nation accompli est un être à la fois territorial, politique, social, culturel, historique, mythique et religieux . Sa réalité est multi-dimensionnelle faite de l’assemblage intime de substances divers assemblées et articulées en une Unité “.

Qu’elle soit émancipatrice ( France , Etats-Unis) ou differentialiste (Allemagne), la réalité multi-dimensionnelle de l’Etat-Nation est l’émergence d’une ” auto-production” sociétale , condition sine-qua-nonde sa dimension historique et non-artificielle, généralement absente dans les pays colonisés où “l’Etat-Nation” est le résultat d’une politique de découpage imposée par le colonisateur qui a souvent déterminé le territoire de l’Etat post-colonial. Et là , on peut parler, dans la plupart des pays du Tiers-Monde, de mouvements de libération nationale, du nationalisme et de formes de pouvoir plus que d’un Etat-Nation. La recomposition étatique du Proche-Orient après la dislocation de l’Empire Ottoman avec les différents scénarios nous fournit un bon exemple ( La Grande Syrie, Etat Pan-Arabe, Etat Arabo-Islamique, Etat Kurde …) . La terminologie locale montre l’absence d’un consensus linguistique et conceptuel sur le mot National : Watani, Qawmi ou Ahli.

La fin du 20ème siècle est marqué par trois phénomènes qui nous interpellent sur le concept et l’opportunité historique de l’Etat-Nation: La crise de l’Etat post-colonial dans le Sud, la décomposition de l’U.R.S.S et de la Yougoslavie et l’avancée vers un ère post national dans les pays de l’Union Européenne . Malgré la différence qui les sépare, ils réveillent les démons d’un néo-nationalisme réactionnel, pseudo-identitaire et exclusioniste .

Les néo-nationalismes

D’aucuns déclarent la naissance du nationalisme français à la date du 20 Sep. 1792 avec le fameux cri ” vive la nation ” à Valemy, considéré par Goethe comme ” la date et le lieu d’une nouvelle époque de l’histoire du monde ” qui inaugure un siècle de l’histoire du nationalisme républicain, laïc et expansionniste . Une deuxième vague, qui venait du Tiers-Monde au début du 20ème siècle, allait donner une autre dimension au mot. Inspirée par la première et colorée selon les données socioculturelles et politiques locales, elle englobe aussi bien le nationalisme turc d’Ataturk qui incarne la rupture avec le Khilafa arabo-islamique que le nationalisme Pan-Arabe qui reprend l’héritage arabo-islamique à son compte .

Le nationalisme, qui nous interroge chaque fois que le mot “ennemi” prend une dimension démesuré, n’est plus, depuis la 2ème guerre mondiale, un concept innocent .Le fascisme a montré, à tous les poètes du romantisme national, qu’une mobilisation nationaliste est toujours passionnelle et souvent incontrôlable. Le nationalisme, comme sa forme fasciste, se nourrie de la peur et du mythe de la nation en danger et grandit avec la frustration.

Sommes-nous conscients du pouvoir extraordinaire de certains mots tels que : supérieur, particularité, identité agressée, souveraineté nationale, droit historique, Le Guide, etc. qui passent presque inaperçus dans le discours quotidien de ce que l’on peut appeler le nationalisme “ordinaire”. La dérive ultra-nationaliste prouve l’absence, jusqu’à nos jours, d’une vaccination efficace qui empêche le retour d’une ” civilisation éclairée” à la barbarie. ” La mystérieuse disposition qu’ont les masses à se laisser fasciner par n’importe quel despotisme, leur affinité autodestructrice avec le paranoïa raciste, toute cette absurdité incompréhensible révèle la faiblesse de l’intelligence théorique actuelle ” ( Adorno et Horkheimer) .

De l’histoire des nationalismes on peut remarquer :

1 – Quelque soit l’importance historique du nationalisme, son choix , comme le dit Liah Greenfeld, n’a pas été inévitable .

2 – La mort du mouvement national ou d’une idéologie ne signifie point la mort du nationalisme qui resurgit dans d’autres formes.

3 – Aujourd’hui, le nationalisme ne peut être une idéologie de mobilisation et d’encadrement des masses, sans être une idéologie basée sur des traits identitaires spécifiques: réclamer une supériorité du ” nous ” par rapport aux ” autres ” et défendre des valeurs anti-universelles même lorsqu’il s’agit du nationalisme religieux ( Begin, Zia-ul-Haq et al-Bashir).

Il est difficile de condamner, sans nuance, tout mouvement national.Nehro et De Gaule sont nationalistes. La paix civile en Afrique du Sud et les accords de paix israélo-palestiniens sont les actes de ” nationalistes” . L’idée d’une confédération arabo-israèlienne, proposée par un sioniste (Perez), est un véritable dépassement du projet sioniste historique (un peuple, une terre, un Etat ). D’autre part, la crise du nationalisme kurde montre bien la séparation entre la justice d’une cause et la faiblesse de ceux qui se réclament d’elle .

Si des nationalismes ont utilisé le bagage de la religion locale , la carte du nationalisme est souvent jouée par les mouvements politico- religieux : La dimension perse de l’islamisme chi’ite, la particularité wahhabite en Arabie Saoudite , le discours nationaliste de Hamas (Palestine) et du F.I.S (Algérie), etc. Le problème est encore plus compliqué dans les pays formés à base d’une identité mixte où la différenciation entre religion et nation est problématique tels que le Pakistan et Israël .

Nous vivons actuellement l’ère d’une nouvelle génération de nationalismes exclusivistes en Europe qui se ressemblent, dans leurs fonctions, avec l’islamisme . Ce phénomène de masse, qui s’exprime à travers un langage local et s’appuie sur les prouesses de la nation, la religion, la race, la communauté, etc. gagne du terrain et crée un véritable obstacle devant nous. Il est difficile de codifier l’attitude à prendre des néo-nationalismes. La diversité et les différences qui les séparent compliquent davantage notre tâche. Mais il reste ” un seuil de tolérance” -pour détourner une expression chère aux ultra-nationalistes-, pour que le discours national ne soit pas notre cible. Nous ne pouvons admettre une idéologie d’exclusion qui soutient la supériorité d’une race, d’une religion ou d’un peuple et encore moins, une idéologie qui refuse les principes universels des droits de l’Homme au nom du particularisme local.

27/7/2005