Depuis les actes de torture commis à l’égard de militants engagés dans une ONG (GR) au Kosovo par KFOR le 14/12/2001, les informations sur le retour en force de ce crime à l’échelle mondiale sont confirmées jour après jour. Des pays tels que l’Italie ou l’Espagne sont touchés. Les Etats unis d’Amérique organisent à Guantanamo, au nom de la guerre contre le terrorisme, une véritable légalisation des formes post modernes de la torture :
– Isolement total avec enchaînement presque permanant des mains et des pieds,
– Refus de soigner un détenu comme moyen de pression,
– Torture par exposition à une température extrême haute ou basse,
– Torture par envoi d’ondes et de bruits insupportables,
– Torture par exposition à une lumière forte,
– Soumettre à des perfusions les prisonniers en grève de la faim,
– Dans un rapport confidentiel présenté au gouvernement des États-Unis en juillet 2004, Le CICR après la visite d’inspection d’une délégation à Guantanamo le mois précédent, affirme que des médecins et des infirmiers conseillent les interrogateurs sur les vulnérabilités psychologiques des prisonniers,
– Révélations de New York Times (le 30 novembre 2004) sur l’utilisation de Consultation Behavioral Science Team (Équipe de consultation de la science du comportement) dans les interrogatoires,
– Après les révélations horrifiantes de l’Australien David Hicks, l’avocat de Nizar Sassi et Mourad Benchellali, deux des détenus de nationalité française libérés en juillet 2004, a révélé à Paris que ses clients soupçonnaient avoir été victimes d’”expérimentations” dans les centres d’interrogatoire à Guantanamo(nouvel observateur décembre 2004).
Le système créé par le Pentagone et la CIA à Guantanamo « ne peut être considéré autrement que comme un système intentionnel de traitement cruel, unusuel et dégradant et une forme de torture », affirmait le CICR depuis trois ans.
Faut-il rappeler que la mobilisation de certains milieux extrémistes psycho-médicaux tentait depuis 2002, d’imposer les méthodes israéliennes qui impliquent le corps psycho- médical dans les interrogatoires dits musclés. En effet, la Commission Landau a recommandé en 1987 l’usage de pressions psychologiques ou physiques comme moyen d’extorquer aux présumés terroristes des informations vitales. Un sujet, qu’on a cru limité à l’Etat hébreu après la déclaration de Tokyo (1975) et les principes d’éthique médicale de l’ONU (1982), mais qui revient à la discussion aux Etats-Unis. Toutefois, des psychologues et des psychothérapeutes européens et américains protestent énergiquement contre L’American Psychological Association (APA) pour avoir affirmé qu’il était acceptable pour des psychologues d’aider lors d’interrogatoires militaires. Une pétition, affichée sur Internet contre la politique de l’APA, a été signée par plus de 1300 membres de cette organisation et d’autres psychologues.
Faut-il rappeler qu’environ 760 prisonniers sont passés par Guantanamo, 10 ont été inculpés et aucun n’a été jugé à ce jour.
Jusqu’à la perte des trois détenus déclarés victimes de suicide, les statistiques officielles faisaient état de 41 tentatives de suicide commises par 25 détenus.
Y- a-il un médecin capable de décrire l’état de Sami al-Haj, le cameraman d’Aljazeera, après 50 jours de grève de la faim aujourd’hui même, dans l’isolement presque total ?
Qu’il est le sentiment de son compatriote le soudanais Adel Hamad, à Guantanamo depuis cinq ans, parce qu’il a préféré une ONG islamique à MSF ?
Il est vrai, comme le constate Bill Goodman, du Centre pour les droits Constitutionnels, « qu’un système sans justice est un système sans espoir ». Mais le retour en force de la torture à Guantanamo, comme dans les autres centres secrets de détention, risque de passer de l’agression de l’intégrité physique et morale de l’Homme à l’attentat à son droit à la vie même.
Médecin psychothérapeute, Manna est écrivain et porte parole de la Commission arabe des droits humains
* Les suicidés de Guantánamo Bay : Victimes d’une exécution extrajudiciaire ou auteurs d’un acte de guerre contre les Etats-Unis ? Le Club suisse de la Presse, Genève, 2/03/2007