QUELQUES REMARQUES SUR LE DEUXIEME RAPPORT PERIODIQUE
devant être présenté en 1984 par la République Arabe Syrienne
INTRODUCTION
Après 15 ans de retard, les autorités syriennes n’ont pas trouvé utile de nous expliquer pourquoi nous n’avions pas eu droit à ce rapport en 1984. L’année où le nombre des prisonniers politiques syrien(ne)s et arabes dans les prisons syriennes s’élevait à 18 000 personnes, et où l’estimation du nombre des disparus fut autour de 3100 personnes. C’était l’occasion aussi de donner des explications sur les massacres collectifs commis notamment à Hama en 1982 et sur la réalité d’un charnier humain (dont Nizar Nayyof -en prison aujourd’hui- a révélé l’existence) dans les alentours de la prison de Palmyre, après les massacres orchestrés par Rifaat Assad, le frère du Président Hafez Assad, qui ont touché plus de 700 prisonniers politiques,
Il est injuste de mettre sur le compte du Président actuel des atrocités commises à une époque où il n’avait aucun rôle politique dans le pays. Mais la responsabilité de chaque citoyen syrien aujourd’hui est de reconstruire l’avenir en désavouant ces méthodes inhumaines. Le respect d’une page noire de notre histoire contemporaine est une forme de complicité que les défenseurs des droits humains dénoncent sans réserve.
Le rapport du gouvernement syrien fut préparé le 19 janvier 2000 ; autrement dit, avant la mort du Président Hafez Assad. De ce fait, il reflète le passé plus que l’avenir et exprime une langue de bois qui n’a plus sa place à notre époque.
Après les promesses du discours d’investiture, la société syrienne avait choisi la politique de WAIT AND SEE. Mais à part la libération de près de 600 prisonniers syriens et arabes et une diminution importante dans le nombre des arrestations durant les 8 derniers mois, il est difficile de parler de changement notable.
Dans une intervention à l’occasion du 31 ème anniversaire de l’état d’urgence en Syrie (08/03/1994), j’ai parlé du «thermomètre d’austérité » qui constitue notre boussole sur la situation des droits humains en Syrie. Aujourd’hui, ces questions sont toujours d’actualité :
1 – A-t-on autorisé une organisation indépendante des Droits de l’Homme et pour les libertés fondamentales à travailler librement sans ingérence dans ses affaires ?
2 – A-t-on respecté le principe d’un mandat d’arrêt et les délais d’une garde à vue ou contrôlé les limites de l’extrajudiciaire ?
3 – A-t-on respecté le droit à la différence et autorisé l’opposition politique à exercer le minimum afin qu’elle puisse s’exprimer ?
4 – A-t-on accepté l’indépendance de la justice, des avocats et des syndicats ?
5 – Le gouvernement souverain a-t-il empêché les violations graves des droits de l’homme ou, au contraire, participé à ces violations ?
6 – A-t-on respecté les droits des minorités culturelles, nationales ou religieuses ?
7- Existe t-il une politique de promotion des droits de l’homme intentionnellement reconnue ?
8 – A-t-on autorisé les moyens démocratiques de défense des individus ou des groupes d’exister ?
9 – La charte internationale des Droits de l’Homme faisait-elle partie des références gouvernementales dans le cadre des libertés fondamentales et des droits de la personne ?
10 – A-t-on garanti un minimum de droits socio-économiques pour une vie digne d’un(e) citoyen (ne) ?
Pour tous ces principes minimaux, possède-t-on une seule réponse positive en Syrie d’aujourd’hui ?
LA CONSTITUTION
La Constitution syrienne est un exemple de partialité, d’idéologisation et d’arbitraire. De plusieurs points de vue, elle est en contradiction avec le pacte relatif aux droits civiques et politiques. Elle adopte ouvertement l’idéologie du Parti Baas dans son Préambule. Le mot démocratie n’a même pas droit de cité (dans la traduction française du rapport officiel- Paragraphe 14 -on peut lire : « La République arabe syrienne est un Etat démocratique, populaire et socialiste ». Mais la bonne traduction du texte arabe du premier article de la Constitution est : « La République arabe syrienne est une démocratie populaire et socialiste ».
La Constitution syrienne « nationalise » l’Etat et la société pour le compte d’un parti politique (article 8). Elle limite les libertés publiques au respect de principes que le pouvoir exécutif ne respecte point : la construction et la protection du socialisme par exemple. C’est ainsi que le droit de former des ONG est limité par le respect de l’ancien programme du parti Baas que même ce parti ne respecte plus (article 49).
La prédominance de l’exécutif est importante dans les articles 111, 132, 139, 149.
L’article 28 sur l’indépendance des tribunaux ne garantit pas l’impartialité et la compétence. C’est aussi le cas du chapitre 3 sur le pouvoir judiciaire.
Malgré ses points faibles, la Constitution n’a jamais été une référence dans les procès politiques ; ce sont les lois d’exception qui soufflent le froid et le chaud dans le pays depuis 1963.
UN ETAT DE NON-DROIT
De façon générale, il est possible de résumer la question de la confiscation des libertés démocratiques et publiques de la manière suivante :
1- La persistance de l’état d’urgence et la soumission du pays aux lois martiales depuis le 8/03/1963 et jusqu’à ce jour. Cela malgré l’absence de justification juridique et objective invoquée par le gouvernement. Dans cette situation “illégale” et anormale, les lois, les textes et les garanties constitutionnelles permettant aux citoyens de défendre leurs droits sont devenus tout simplement inefficaces. On a, de surcroît, promulgué de nouvelles lois et chartes qui vont à l’encontre de ce qui était prévu par la constitution nationale et la charte internationale des Droits de l’Homme.
Un exemple en est “la loi principale des fonctionnaires” parue début 1984 et notamment l’article 138 qui autorise toute personne de la hiérarchie à licencier un subordonné quand bon lui semble et sans justification aucune. Un autre exemple est celui de la loi de la confédération des journalistes de 1989. Mais il en existe bien d’autres.
Selon les lois martiales, le gouverneur de la loi martiale a le droit, comme toutes les sections des services de sécurité (actuellement une quinzaine), d’arrêter n’importe quel citoyen, qu’il soit chez lui, dans la rue ou sur son lieu de travail. La procédure est effectuée sans avoir besoin de présenter un quelconque “mandat d’arrêt” ou d’obtenir une autorisation du procureur général. Il est de même possible de détenir ce même citoyen indéfiniment. Le citoyen Saad Jaoudat Said fut arrêté le jour du referundum parce qu’il a voté Non. Il est resté deux mois en prison sans procès ni jugement. Le citoyen Hussein Daoud, expulsé de la RFA le 12/12/2000, fut arrêté par le service de sécurité puis envoyé à Qamishli. Interrogé sous la torture, il fut transféré à l’Hôpital 601 à Damas. Il est toujours en détention sans procès ni jugement.
Environ 1200 détenus syriens, palestiniens, jourdaniens et libanais, croupissent depuis des années dans les geôles syriennes du fait de ces lois “illégales”. Selon les lois martiales, les citoyens syriens n’ont pas le droit de former des associations, des organisations ou des partis politiques, afin d’exprimer ou de défendre leurs opinions.
Concernant les libertés syndicales, les autorités officielles continuent de commettre davantage de violations et d’interventions non constitutionnelles à l’égard des syndicats. Les organisations d’ouvriers et d’étudiants sont particulièrement infiltrées dans leurs activités et leurs élections. Les postes de direction sont souvent imposés.
Nous ne citerons que certains exemples flagrants, ceux concernant les élections de la confédération des syndicats des ouvriers, des médecins, des ingénieurs et des journalistes. La chambre de commerce est jusqu’à maintenant le seul organisme syndical ayant le droit à des élections non contrôlées et relativement libres dans le cadre de la politique du “pluralisme économique”.
2- En 38 ans, la marginalisation systématique de la justice a bouleversé les valeurs et créé un véritable sous-développement juridique marqué par la domination de l’extrajudiciaire.
L’omniprésence des tribunaux d’exception, resurgissant depuis1992, permet d’agir de jure et de facto en totale contravention avec les prescriptions des instruments internationaux. Le tribunal de la sûreté de l’état a jugé plus de 500 prisonniers d’opinion en 4 ans, dont certains après 15 ans de détention sans procès ni jugement. Exposer ces procès en détail ne peut que nuire davantage à l’image de la Syrie déjà malade de ses institutions extrajudiciaires :
En somme, humiliation de la justice, des avocats, des familles et de tous les démocrates, des procès basés sur des interrogatoires avec des réponses arrachées sous la torture, des avocats n’ayant évidemment pas le droit de s’entretenir avec leurs clients avant le procès et le président du tribunal refusant catégoriquement tout témoignage.
Les règles de procédures appliquées par le tribunal sont bien sûr en contradiction avec les garanties du droit à un procès équitable, qu’il s’agisse du principe du contradictoire et du droit à être correctement défendu, du principe de publier les débats, du droit d’interjeter en appel devant une juridiction supérieure, du droit à l’investigation d’allégations de tortures ou encore, du droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial.
Chaque fois qu’un prisonnier purge sa peine, il est transféré à la section d’interrogatoire pour signer une attestation qui implique une autocritique personnelle dans un esprit de collaboration ultérieure, assortie d’une condamnation de son propre parti et d’une promesse de ne plus jamais faire de la politique avec, bien sûr, le soutien de la politique du Président. Nous attirons l’attention sur le cas du médecin Abdel Aziz al-Khayyer, responsable au Parti d’Action Communiste, arrêté en 1992 et condamné à 22 ans de prison, et du défenseur des droits humains Nizar Nayyouf, condamné à 10 ans de prison.
Last but not least, un mois avant la rédaction du rapport officiel, plus de 100 prisonniers politiques ont été arrêtés arbitrairement (voir la liste de leurs noms à la fin de notre rapport).
3- Un autre type de lois d’exception est celui cité dans le paragraphe concernant la peine capitale dans la législation syrienne. Il s’agit d’une loi qui stipule que « toute personne qui adhère à l’Organisation des Frères musulmans est condamnée à la peine capitale (art. 10 de la loi No 49 du 8 juillet 1980). Le changement que le mouvement des frères musulmans a connu en 20 ans, sa condamnation de toute forme de violence et l’adoption d’un programme démocratique ne suffisent pas pour que ce « policide » législatif soit annulé.
L’IMPUNITE
- Tout citoyen, quel que soit son statut professionnel ou social, a le droit, garanti par la loi, de saisir la justice pour tout acte d’injustice commis à son encontre. Ainsi l’article 319 du Code pénal prévoit que : “tout acte susceptible de priver un citoyen syrien de l’exercice de ses droits ou de ses obligations civiles est puni d’une peine d’emprisonnement allant d’un mois à un an”.
L’article 57 du Code syrien de procédure pénale est également explicite à cet égard, puisqu’il affirme que : “toute personne qui s’estime victime d’un crime ou d’un délit a le droit de porter plainte auprès du ministère public, lequel a l’obligation d’introduire une instance si le plaignant engage une action personnelle. Quant à l’exercice de ce droit, le code ne fait aucune distinction fondée sur la couleur, le sexe, la race, la religion, la langue ou même la nationalité. Ce droit juridique s’applique à toute infraction commise contre le plaignant.
- 8 La Constitution syrienne dispose dans l’article 28, paragraphe 3, que : “nul ne peut être torturé physiquement, moralement ou faire l’objet d’un traitement dégradant. La loi détermine les sanctions à infliger aux auteurs de tels actes”.
- En vertu de la législation en vigueur, il est interdit de soumettre une personne accusée ou condamnée ou toute autre personne qui fait l’objet d’une enquête judiciaire, à quelque forme que ce soit de pression mentale ou physique en vue de l’extorsion d’un aveu ou d’une information.
L’article 391 du Code pénal est ainsi libellé :
“1. Quiconque soumet une personne à des actes illégaux de violence en vue d’obtenir
d’elle une confession sur une infraction ou des informations s’y rapportant est passible
d’une peine d’emprisonnement allant de trois mois à trois ans.
- Si de tels actes de violence causent une maladie ou des blessures, la peine minimum est d’un an d’emprisonnement.”
- Tout acte de nature à empêcher un Syrien d’exercer ses droits civils ou de s’acquitter de ses obligations est punissable d’une peine d’emprisonnement allant d’un mois à un an si l’acte en question est commis par voie de menaces, de violence ou d’autres moyens de contrainte physique ou mentale (art. 319 du Code pénal).
- Les tribunaux examinent toute allégation faite par un citoyen concernant la torture mentale
(RAPPORT OFICIEL)
La Syrie n’a toujours pas ratifié la Convention sur la torture, et pourtant, le 13 mars 1986, le responsable de la délégation de ce pays à l’ONU disait dans une intervention orale à la 42ème session de la Commission des droits de l’homme à Genève : “La torture est généralement pratiquée en l’absence de lois ou dans le non-application des lois en vigueur sous la domination d’un pouvoir non-démocratique qui empêche les citoyens de participer à la vie politique. La soumission de la justice au pouvoir politique empêche toute traduction devant les tribunaux et la reconnaissance par les forces de sécurité de la vérité (…). Bien que la torture vise l’homme en tant qu’être humain, son but est de déshumaniser l’humain(…). Quelles que soient les raisons ou les motifs invoqués, surtout en état de guerre ou d’occupation ou pour des prisonniers de guerre, la torture ne peut être justifiée comme moyen d’obtention des informations ou d’humiliation(…).
Je dois signaler que la Convention contre la torture adoptée par l’Assemblée Générale de l’ONU a attiré toute l’attention des autorités syriennes. Pour cela, le ministère de la Justice a préparé un décret-loi qui déclare l’adoption par la Syrie de la Convention et il sera rendu publique très prochainement. Nous espérons qu’à la prochaine session de la Commission, l’année prochaine, la Syrie fera partie des pays signataires de la Convention”.
Nous voilà aux travaux de la 57ème session et quinze ans après cette intervention, la Syrie n’a toujours pas ratifié la Convention.
Dans ce qui suit, une liste non exhaustive des prisonniers qui sont morts suite à la torture ou aux mauvais traitements infligés durant plusieurs années, depuis cette promesse officielle :
1987 : Ahmad al-Abbas, Ibrahim Ahmado, Muhammed al-Arraj, Ahmad As’ad Ghanoum, Ihsan Izzo, Umar al-Jamil, Ahmad Jaroud, Haytham Khoja, Rif’at al-Rachid, Taha Abdelrazzaq Sarhan, Mudhar al-Jundi.
1988 : Abdel Razzaq Abazid, Muhammad Rashid Abbas, Ridhwan Dughaim, Umar Wahid Haidar, Muhammed Issa al-Mane’, AbdelKader Murtada, Saleh Rukhaima, Wajih Shihadeh, Musa Zaydan, Ahmad al-Zir.
1989 : Muhammed Hashem, Muhammed Hassan, Khidr Jabr.
1990 : Zahi Abadi, Muhammed Dawud, Mounir Francis, Ziad Musa Qatnani.
1991 : Jamal Hassino, Hussein Zaydan.
1992 : Mounir al-Ahmad, Ahmad Rif’at Rajab.
La campagne internationale après la mort sous la torture de l’ingénieur Mounir Francis et la tragédie du Docteur Nour Eddin Attasi ont sans doute joué un rôle dans les précautions prises après cette date. Ce qui n’a pas empêché la mort dans des conditions non encore élucidées de M. Salah Jedid ni la fin “programmée” du M. Karim al-Haj Hussein (25/12/95) 23 heures après sa libération ou du journaliste Rida Haddad qui n’a pas été libéré malgré un cancer avancé. Arrêté en 1970, Haddad est resté quinze ans en détention. Le verdict du tribunal de la sûreté de l’Etat a été prononcé après 14 ans de détention arbitraire sans jugement ni procès. Il est sorti de la prison d’Adra pour entrer à l’Hôpital français de Damas et mourir un an plus tard (le 17/06/1996), laissant un témoignage émouvant sur la torture lente pratiquée par les forces de sécurité.
Une autre victime de la torture reste toujours à la prison de Sednaya. Elle a raconté son histoire devant le tribunal de sûreté de l’Etat le 2 mars 1993 sans réussir à émouvoir les juges, voici des extraits :
“Le 7 décembre 1986 à l’aube, une patrouille composée d’officiers (il cite deux noms) et d’autres agents de Fara Falasine/235/ (centre de détention à Damas) a fait une descente chez moi pour m’arrêter. Ne me trouvant pas à la maison, ils ont frappé ma femme devant sa petite fille, qui avait alors quatre ans, et l’ont emmenée à Fara Falastine, où on l’a séparée de ses deux filles, dont la plus jeune n’était âgée que d’un mois (…). Pendant son absence, la maison fut visitée, des affaires confisquées et des vols commis par les moukhabarat. C’est ce que ma femme a pu constater à son retour quelques jours plus tard (…). Ils ont fait pression sur le propriétaire pour qu’il refuse d’honorer son engagement à notre égard et expulse ma famille.Je demande à votre tribunal d’examiner le préjudice causé par l’expulsion forcée de ma femme et de mes deux enfants.
Depuis mon arrestation le 19 septembre 1987, on m’a horriblement torturé pour m’arracher des renseignements, en me fouettant et me faisant subir la “chaise allemande”. On m’a brûlé certaines parties du corps à l’acide, écrasé les doigts et soumis à des tortures psychologiques en fouettant et en insultant ma femme devant moi et en faisant venir ma mère, menaçant de la torturer. Ils m’ont roué de coups de poing, de coups de pied et j’ai eu le nez cassé… On m’a écarté les jambes de manière à provoquer une fracture du bassin. Et durant tout ce temps, mon interrogatoire a continué. Ce n’est qu’au bout de six jours que j’ai été conduit à l’hôpital pour faire soigner ma fracture. Les soins furent retardés par les moukhabarats de trois jours supplémentaires. Les médecins ont déclaré que j’avais besoin d’un traitement qui pouvait nécessiter au moins deux mois d’hospitalisation. Une fois commencés, les soins ont été interrompus à de nombreuses reprises du fait des pressions exercées par les officiers sur le médecin qui me soignait. Au bout de trois semaines, celui-ci a fini par céder et a arrêté mon traitement avant qu’il ne soit achevé. j’ai quitté l’hôpital le 22 octobre 1987, handicapé à vie. La répression a continué pendant quatre ans dans la prison de Palmyre sans que j’aie eu droit à une consultation médicale”.
(Mohammed Mradni est condamné à quinze ans de prison avec travaux forcés et privation de ses droits civiques).
La torture infligée à notre collègue Nizar Nayyouf lui laisse des séquelles à vie. C’est parce qu’il a demandé réparation auprès des autorités, il a subi des mois d’isolement.
La torture, exercée en 30 ans contre plus de 18600 prisonniers avec une quarantaine de méthodes pratiquées, reste impunie.
Etats critiques
Voici une liste non exhaustive des prisonniers politiques en mauvais état de santé :
Fares Murad (en prison depuis 1975), Haytham Na’al (en prison depuis 1975), Imad Shiha (en prison depuis 1975), Abdul Wadud Yousof (en prison depuis 1980) Ibrahi A’ssi (en prison depuis 1980), Mouhammed Moumar (en prison depuis 1986), Mouhamed Nizar Mradni (en prison depuis 1987), Nizar Nayyouf (en prison depuis 1992)
La liberté d’expression
- La liberté d’expression est protégée en Syrie, et la liberté de pensée n’y est soumise à aucune autre censure que celle qui est dictée par la conscience de chacun. Tout citoyen a le droit de participer à la vie politique, économique, sociale et culturelle (art. 26 de la Constitution). (LE RAPPORT OFFICIEL)
Le ministère de l’information impose une forte censure sur toutes les sources d’information susceptibles de dispenser des renseignements aux citoyens ou de leur permettre d’avoir des opinions qui vont à l’encontre de la ligne politique et idéologique du gouvernement. Tout au long de la période de Hafez Assad, seuls les journaux du Parti Baas furent autorisés. Aujourd’hui, les autorités syriennes ont accordé des autorisations dans ce sens aux seuls partis membres du Front au pouvoir.
Cela étant, la censure ne se limite pas au ministère de l’information. Souvent, les appareils de sécurité s’acquittent de ce rôle. Ils arrêtent parfois des écrivains, des intellectuels et des penseurs connus, afin de les interroger sur des interviews, conférences ou débats qu’ils ont donnés. Le ministère de l’information pousse souvent les rédacteurs de journaux officiels à diffamer certains écrivains et intellectuels pour leurs prises de positions. C’est le cas dans les attaques orchestrées contre les figures du Forum de la renaissance de la société civile.
Ces visas sont désormais valides pour un an et pour un certain nombre de voyages.
Les catégories de nationaux ci-après sont exemptées du visa de sortie ou de tout autre type d’autorisation :
- Les personnes âgées de plus de 50 ans.
- Les personnes qui ont accompli leur service militaire ou payé un droit à ce titre ou
qui en étaient dispensées pour des raisons de santé ou qui ont fait leur service militaire dans une armée étrangère.
- Les femmes âgées de plus de 18 ans, à l’exception de celles âgées entre 18 et 35 ans
qui se rendent dans certains pays.
- Les personnes auxquelles des passeports ont été délivrés moins de trois mois plus tôt. (RAPPORT OFICIEL)
Les tracasseries que subissent les intellectuels de la part du pouvoir vont jusqu’à empêcher la publication de leur production culturelle (sur 21 de mes propres livres, un seul est autorisé : « l’univers du sommeil ». Même l’encyclopédie des droits humains que j’ai rédigé en 2000 est interdite en Syrie). N’oublions pas que le gouvernement exige de tout citoyen, syrien ou palestinien, l’obtention d’une autorisation auprès des services de sécurité concernés pour un visa de sortie du pays. Ce visa est devenu une arme aux mains du gouvernement lui permettant de punir les persona non grata, intellectuels ou hommes politiques. La dernière décision présidentielle concernant le droit de chaque citoyen à un passeport ne concerne pas les opposants politiques et une partie de leur famille. Mme Najah Shara, épouse d’ancien prisonnier et mère d’un défenseur des droits humains n’a pas eu le droit à un passeport pour soigner sa vue. On peut citer une centaine de noms de membres des familles des opposants.
Ces pratiques extra judiciaires dépassent souvent le cadre des individus pour englober des groupes entiers et des institutions culturelles.
Le rapport officiel confirme que : 282. La législation syrienne n’impose aucune restriction à l’exercice de ce droit, sauf lorsqu’il s’agit de protéger la sûreté publique, la sécurité nationale, l’ordre public, les droits d’autrui, la santé publique ou les bonnes moeurs. En Syrie, les citoyens sont libres de se rassembler (paragraphe 282). Or, dans la réalité nous constatons autre chose :
Ces dernières années, les autorités resserrent leur contrôle sur les intellectuels à tel point que tout ouvrage, manuscrit, article, voire même l’allocution de vendredi (dans les mosquées) doivent passer en premier devant les services de sécurité pour obtenir leur aval, sinon, l’interdiction leur sera opposée. A peine, avions-nous eu droit à un moment de répit après la mort du Général Assad avec multiplication des MOUNTADAYAT spontanés dans le pays (des réunions organisées dans des maisons privées) et l’appel de 99 intellectuels suivi de l’appel des 1000 intellectuels pour la réforme démocratique dans le pays, une contre attaque fut organisée par le Parti Baas et les services de sécurité afin de reprendre le dessus et paralyser toute initiative de libre expression.
Le Commandement National du Parti Baas a publié la circulaire 1075 de 7 pages (rediffusée par le journal interne du Parti «al-Munadhel ») qui classe tous les réformateurs dans le camp du passé et de l’époque coloniale et instable de la Syrie. Il s’acharne sur le député indépendant Riad Seef, fondateur du Mouvement de la Paix Civile (non-autorisé), le Comité de Renaissance de la Société Civile et les intellectuels de l’opposition, aussi bien à l’intérieur du pays qu’en exil. Il considère «le Parti Baas, le guide de l’Etat et de la Société, la seule force habilitée à prendre des initiatives et découvrir les perspectives de l’avenir ».
Depuis le 19/02/2001, cinq conditions sont imposées pour l’organisation d’une soirée dans une maison privée :
1) Demande d’autorisation présentée au gouverneur 2 semaines avant la date de la réunion.
2) Obtention d’une autorisation nominative pour la personne qui prend la parole.
3) Présentation d’une liste nominative des personnes qui devront participer au débat.
4) Formulation d’une idée sur le débat prévu.
5) Précision du lieu et de la durée du Mountada.
Voici le témoignage de Habib Saleh après avoir présenté une demande de cet ordre en bonne et due forme : « J’ai demandé au gouverneur de Tartous, Aram Saliba, il y a 2 semaines une autorisation qui répond aux conditions exigées, la nuit de mercredi 14/03/2001 deux agents de la Sécurité politique m’ont donné une réponse négative. Juste après, un officier et 3 éléments de la police sont venus chez moi me demandant de signer une promesse écrite de ne plus jamais participer aux mountadayat.
N’est-ce pas Bashshar Assad qui a déclaré, samedi le 17/3/2001, que l’héritage de son père est un sujet intouchable ?
Les territoires syriens occupés
Le 5 Juin 2000 fut le 33 anniversaire de l’occupation du Golan par Israël. Cette occupation a obligé plus de 82 mille syriens à choisir les camps des réfugies près de Damas et de Dara. (aujourd’hui, ils sont 400 milles réfugiés). Contrairement aux lois internationales, Israël a détruit 139 villages après l’arrêt des combats. Il a construit 33 colonies habitées par 13160 israéliens. Près de 16000 syriens vivent sous l’occupation.
Israël continue de violer toutes les résolutions concernant son occupation des territoires arabes. La Commission arabe des droits humains demande à toutes les OIG d’avoir une position claire et ferme sur l’occupation par Israël des territoires arabes. Elle profite de cette occasion pour exiger la libération des prisonniers syriens dans les prisons israéliennes :
1 . Wiam Mahmoud Amasheh
2 . Amal Ewadat
3 . Hayl Hussain Abu-Zaid
4 . Asem Mahmoud Al-Weli
5 . Beshr Soulayman Al-Maqet
6 . Soudqi Soulayman Al-Maqet
7 . Sitan Nemer Al-Wali
8 . Yasser Hussein Khanjar
9 . Radwan Jamil Armoun
10 . Sham Kamal Shams
11 . Wael Najib Zahra ( âgé de 16 ans)
- Mohammed Saleh Abu Saleh.
Droits de la femme
Il n’y a pas de différence significative entre les deux sexes en matière de santé, tandis qu’un grand fossé les sépare à propos de l’analphabétisme. Pour 84% d’hommes capables de lire et d’écrire, il y a seulement 50 % de femmes. Au niveau de l’école primaire, 11% séparent les deux sexes. A l’université, le pourcentage des femmes est de 20,75 %. Celles-ci occupent 18 % de l’ensemble de la main d’œuvre du pays avec près de 500 000 femmes dans les activités économiques.
La Syrie n’a pas signé la convention internationale contre toute forme de discrimination entre les deux sexes. Plusieurs lois ou jurisprudences sont en contradiction avec les dispositions de la convention, voici quelques exemples :
La loi No 134 du 31/12/1975 prive, dans son article 5, la femme de la pension alimentaire (nafaqa) dès qu’elle travaille sans l’autorisation de son mari. L’article 197, relatif à l’héritage, donne à l’homme 2 fois la part de la femme qui se situe dans le même degré de parenté.
Les salaires des femmes sont dans plusieurs secteurs inférieurs à ceux des hommes. La Syrie n’a pas signé non plus les conventions de l’OIT n- 100 et 111.
LA QUESTION DES BIDOUN (les sans nationalités)
Le 23 Août 1962, le gouvernement syrien promulgua un décret-loi (n.93) autorisant un recensement spécial de la population dans la province de Djazira.
Le 5 Octobre de la même année, quelques 60 000 kurdes seront décomptés et considérés comme étrangers. Le plan de la “Ceinture arabe”( al-Hizam al-Arabi ) prévoit d’expulser la population kurde établie tout au long de la frontière avec la Turquie.
Après la déclaration de l’ةtat d’urgence, le 8 Mars 1963, les gouvernements successifs poursuivent cette politique de discrimination.
L’arrivée du Général Assad au pouvoir en 1970 ralentit le projet de la Ceinture arabe sans pour autant l’abroger. Les sièges des kurdes à l’assemblée du peuple seront décidés d’en haut pour freiner la mouvance politique démocratique dans la région. La politique qui prévaudra sera de soutenir ceux qui collaborent contre l’opposition sociale et politique arabo-kurde, et les gouvernements successifs n’hésiteront pas à jouer la carte de la naturalisation pour les Bidoun (les Kurdes sans carte d’identité) afin de faire pression sur le mouvement politique kurde.
Le 11 Novembre 1986, le gouverneur d’al-Hassaka publie le décret n.1012/SAD/25 qui interdit l’utilisation de la langue kurde dans les lieux de travail. Le 3 Décembre 1989, Mr Mohamed Mustafa Miro (l’actuel Premier ministre), gouverneur d’al-Hassaka, promulgue l’ordre n-1865/SAD/25 qui réitère cette interdiction et proscrit en outre les chansons non arabes pendant les mariages et les fêtes. Ce qui est en contradiction avec la constitution syrienne. (La Voix de la Démocratie, journal des C.D.F, a publié cet ordre dans son numéro de Novembre 1990).
En même temps, on émet la décision n-122 du ministère de l’intérieur qui lie tout registre d’un enfant kurde aux “compétences sécuritaires appropriées” ; et depuis Octobre 1992, des dizaines d’enfants Kurdes ne sont pas inscrits parce que leurs parents leur ont donné des prénoms d’origine kurde.
Le gouvernement syrien a accepté, pour la première fois, de répondre aux questions d’une ONG sur les Kurdes. Il a envoyé, le 12/07/1997, une réponse détaillée à l’organisation américaine Human Rights Watch dans laquelle il présente les sans nationalité kurdes comme étrangers. Il donne des chiffres très proches de nos estimations (142465 selon le gouvernement). La partie judiciaire de la réponse ne mérite même pas d’être abordée car on n’y trouve même pas les traces des engagements internationaux de la Syrie. Par contre, dans le rapport actuel une phrase attire notre attention : « Toute personne née dans le pays qui, à la naissance, n’avait pas le droit d’acquérir une nationalité étrangère par voie de filiation. (Un enfant né dans le pays d’un père qui a perdu sa nationalité d’origine pour une raison quelconque est arabe syrien.) ».
Cette phrase touche plus de 2/ 3 des kurdes sans nationalité. Est-ce une reconnaissance juridique du droit des enfants bidoun à la nationalité syrienne ? Nous voulons que votre comité prenne acte et pose la question au gouvernement syrien.
La deuxième catégorie des sans nationalité est composée des exilés politiques à l’extérieur de la Syrie. Cette catégorie touche plus de 27 milles personnes (le chiffre ne prend pas en considération leurs enfants et leurs petits enfants). L’ACHR est en train de recenser le nombre exact des sans nationalité en exil.
Nous demandons à votre comité d’intervenir pour résoudre le problème des Kurdes et des exilés privés de la nationalité syrienne, car chaque Syrien a le droit à la nationalité.
REVENDICATIONS
– Arrêt immédiat des arrestations arbitraires et libération de tous les prisonniers politiques syriens, libanais et palestiniens, ainsi que l’autorisation de retour à tous les exilés avec des garanties judiciaires dans le cadre d’une amnistie générale.
– Abolition de l’état d’urgence et des lois martiales et reforme de la Constitution.
– Promulgation d’une loi moderne qui autorise et organise l’activité des partis, des associations et de la presse, en garantissant un pluralisme réel.
– Ratification par la Syrie de la Convention des NU0 contre la torture et de la CIDAW.
– Reconnaissance officielle de la légalité de toutes les ONG pour la défense de la société civile, des droits humains et des libertés fondamentales, tout en accordant le droit d’observer la condition des droits de l’homme et les violations des libertés publiques et démocratiques.
Fin Mars 2001